Allaiter pendant la période estivale

Publié dans le n° 171 des Dossiers de l'allaitement, juin 2021.
D'après : Summer topics on breastfeeding. Anderson PO. Breastfeed Med 2020 ; 15(6) : 354-6.

La période estivale se caractérise par l'augmentation importante de l'utilisation de produits tels que les insecticides et les répulsifs anti-insectes, ainsi que divers produits solaires.

Insecticides et répulsifs

Le plus courant est le diéthyltoluamide (DEET), mais il en existe d'autres, comme le citriodiol, l'icaridine et le IR3535. Tous sont des produits synthétiques et aucun n'a été spécifiquement étudié chez les mères allaitantes. On estime toutefois que leur utilisation ne pose pas de problème pendant l'allaitement si leur mode d'emploi est respecté. On recommande même l'utilisation de répulsifs à base de DEET aux mères allaitantes vivant dans des régions où les maladies transmises par les moustiques sont endémiques. L'utilisation d'un produit contenant = 20 % de DEET est recommandée, mais il est inutile de dépasser une concentration de 50 %. Il est déconseillé d'utiliser un produit combinant un répulsif et un écran solaire.

Appliquer d'abord l'écran solaire, puis le répulsif. À noter que le répulsif diminue la durée d'efficacité de l'écran solaire. La plupart des produits utilisés contre les poux et la gale sont des contaminants retrouvés dans le lait maternel. Moins de 2 % des pyréthrines et de la perméthrine est absorbé après application cutanée et ces molécules sont rapidement métabolisées. Elles sont compatibles avec l'allaitement. Le malathion est peu absorbé par voie cutanée, mais il ne représente pas le premier choix. Il n'existe pas de données sur l'utilisation du spinosad, mais il n'est pas absorbé après application cutanée. Toutefois, il est associé à de l'alcool benzylique, qui peut être toxique pour les nourrissons à doses élevées. Le fabricant conseille aux mères allaitantes de tirer et jeter leur lait pendant 8 heures après utilisation, mais c'est probablement inutile dans le cas d'une utilisation topique contre les poux. Le soufre dans une solution de pétrole désodorisé peut être utilisé chez les enfants de < 2 mois et il peut donc être utile chez les mères allaitantes souffrant de gale. Ce produit ne devrait pas être appliqué sur les seins. Le lindane est un polluant environnemental persistant et il peut éventuellement abaisser la production lactée et avoir un impact chez l'enfant allaité. Il ne devrait pas être utilisé pendant l'allaitement.

Ecrans solaires

Le principal problème avec ces produits est que les filtres anti-UV qu'ils contiennent sont des perturbateurs endocriniens chez les animaux, et des altérations de la fonction thyroïdienne ont également été rapportées. Certains filtres ont été interdits pour cette raison dans certains pays. Deux études récentes ont constaté que les produits des écrans solaires passaient bien dans le sang, et qu'une seule application pouvait donner lieu à un taux sérique détectable jusqu'à 3 semaines plus tard. Les auteurs estimaient toutefois que cela ne devait pas amener à limiter leur utilisation. Dès 1995, une étude allemande menée auprès de 6 femmes rapportait la présence d'oxybenzone dans le lait de 4 d'entre elles (16 à 417 ng/g de lipides) et d'octinoxate dans le lait de 2 femmes (28 à 47 ng/g de lipides). En 2008 et 2010, deux études menées en Suisse sur 34 et 53 femmes rapportaient que 15 % d'entre elles avaient un taux lacté détectable d'oxybenzone, 18-20 % un taux détectable d'enzacamène, 38-78 % un taux détectable d'octinoxate, 47-67 % un taux détectable d'octocrylène. Globalement, 85 % des femmes avaient un taux lacté détectable d'au moins 1 écran solaire. D'autres études menées en Espagne ont également retrouvé ces produits dans le lait de très nombreuses femmes. Leur taux lacté est toutefois le plus souvent très inférieur à la dose maximale admissible par la FDA.

Divers facteurs rendent difficile de savoir à quel taux une molécule donnée se retrouvera dans le lait d'une femme donnée. Cela dépend de la concentration de la molécule dans le produit appliqué, de la surface sur laquelle il est appliqué, de la fréquence d'application. On estime qu'environ 2 % du produit actif sera absorbé, mais il existe d'importantes variations individuelles. À noter que ces molécules ont été retrouvées dans le lait de quelques femmes qui ont affirmé ne pas utiliser d'écrans solaires, peut-être parce que ces filtres sont également utilisés dans certains cosmétiques (pommade pour les lèvres&) et dans d'autres produits. Le problème de ces filtres est le risque de perturbation endocrinienne chez le bébé allaité, qui est inconnu. Une équipe estimait qu'en raison de leur impact sur le système endocrinien largement démontré par des études de bonne qualité et de l'exposition large de l'espèce humaine, l'enzacamène, l'oxybenzone et l'octinoxate étaient des produits hautement problématiques pour l'espèce humaine. Le dioxyde de titane et l'oxyde de zinc sont deux produits minéraux inertes suggérés comme alternative aux écrans solaires actuels. Ils sont actuellement les seuls produits considérés comme sans danger pour une application locale sous forme liquide par la FDA (mais pas en aérosol). Ils sont disponibles sous forme de nanoparticules qui n'induisent pas une couleur blanche intense de la peau.

Conclusion

L'utilisation par une mère allaitante des produits décrits plus haut est susceptible de présenter des risques pour l'enfant allaité. L'été est la période pendant laquelle ces produits sont beaucoup plus largement appliqués sur la peau en raison de l'exposition aux insectes et au soleil. Leur taux lacté dépend de nombreux facteurs, mais le niveau d'utilisation par la mère allaitante est un facteur modifiable. Il est indispensable d'éviter leur application sur les mamelons ou sur toute zone que le bébé risque de lécher. L'utilisation de t-shirts à manches longues et de pantalons peut abaisser le niveau d'utilisation de ces produits. Il est tout à fait possible d'éviter de s'exposer au soleil aux heures les plus chaudes, ou de s'installer à l'ombre ou sous un parasol, de porter un chapeau& afin de limiter la surface de peau exposée. Il est préférable d'éviter les écrans solaires contenant de l'octinoxate, de l'oxybenzone ou de l'enzacamène.